« Réseau » se conjugue au féminin…

Depuis 2002, elles se réunissent à intervalles réguliers. Elles échangent, elles informent, elles revendiquent. Elles, ce sont les délégations des Conseils nationaux des femmes des petits Etats d’Europe. Elles viennent d’Andorre, de Chypre, d’Islande, du Liechtenstein, de Malte, de Monaco, de San Marino et du Luxembourg. Ce ne sont pas les sujets qui leur manquent depuis maintenant plus de dix ans.

Dans le cadre de la conférence internationale organisée par le Ministère de l’Egalité des chances et le Conseil National des Femmes du Luxembourg, les délégations n’ont pas uniquement présenté leur situation nationale en matière d’égalité entre femmes et hommes dans la prise de décision, mais elles ont pu également échanger entre elles, avec les nombreux et nombreuses invité(e)s. Dans tous les pays représentés, la condition de la femme a évolué. Les rythmes sont différents, l’évolution plus ou moins continue.

Pourquoi une telle initiative ? Elle a débuté par un questionnement : le degré d’égalité entre femmes et hommes peut-il être lié à la taille du territoire national, au nombre d’habitants(es), à la taille de la structure d’organisation d’un pays ? Serait-il envisageable d’identifier des mécanismes propres aux petits Etats ? Et si oui, peut-on imaginer des politiques et des stratégies différentes de celles mises en place par les plus grands pays ?

En octobre 2015, à Mondorf-les-Bains au Grand-Duché de Luxembourg, les délégations se sont penchées sur leurs situations respectives pour ce qui est de la présence des femmes et des hommes dans les prises de décisions politiques et économiques.

Des situations hétérogènes
Ce n’est pas vraiment une surprise : les femmes sont globalement sous-représentées dans les instances dirigeantes tant dans la sphère politique que dans la sphère économique. Le pourcentage des élues nationales des huit pays varie entre 12,5 % et 42,9 %. La situation est donc fort différente d’un pays à l’autre. Andorre et l’Islande sont en haut du tableau avec 38 %, et 42,9 %. Chypre et Malte ont les taux d’élues nationales les plus faibles avec 12,5 % et 15 %. Dans le domaine de la prise de décision économique l’image est encore plus accablante. Les femmes occupent entre 4 % et 29 % des postes dirigeants. Ici le Liechtenstein qui est en tête du peloton avec 29 % de dirigeantes et Malte ferme la marche avec 4 % de dirigeantes.

Des bases différentes
Alors que les femmes ont obtenu le droit de vote actif et passif en 1908 en Islande, les Andorranes n’y ont accédé pleinement qu’en 1970. Il y a donc un véritable gouffre dans le temps entre ces deux pays. Pourtant, ce sont ces deux pays qui présentent le taux d’élues le plus important. Andorre a même connu la parité lors de la législature précédente. Selon l’Union interparlementaire, un facteur explicatif de cette exception andorienne serait la taille du pays. Avec ses 85 000 habitants, Andorre présenterait l’avantage que les candidats(es) sont connu(e)s par tout le monde et feraient en quelque sorte partie de la « famille ». Ceci avantagerait l’élection des femmes candidates. Et pourtant, la délégation d’Andorre a souligné que l’égalité entre femmes et hommes n’est pas vraiment un sujet débattu et encore moins analysé. Elle a notamment regretté que les données chiffrées ne soient pas ventilées par sexe et difficile d’accès.

L’Islande, une source d’inspiration.
Il en va tout autrement en Islande où l’égalité des sexes est un sujet majeur à tel point que la population entière se l’est appropriée. L’Islande, premier pays au monde à avoir élu une femme comme présidente, figure comme élève modèle en matière d’égalité des sexes. Sur plus de 100 pays étudiés, l’Islande occupe depuis des années la première place dans le rapport annuel sur l’écart entre les genres, publié annuellement par le Forum économique mondial. Pas étonnant que les délégations des autres petits pays étaient admiratives.

L’Islande a accédé à un équilibre entre femmes et hommes en politique sans l’introduction de quotas légaux. Par contre, tous les partis politiques actuellement représentés au parlement islandais ont des quotas volontaires forts dans leurs statuts. Ces quotas sont appliqués, non uniquement aux listes de candidats(es), mais également en interne.

Le domaine économique par contre ne s’est pas autorégulé, raison pour laquelle des quotas légaux ont été introduits en 2010. La mesure concerne les conseils d’administration des sociétés de plus de 50 salarié(es). Leurs conseils d’administration doivent être composés de femmes et d’hommes. Tout conseil d’administration de plus de trois membres doit respecter un quota de 40 % du sexe sous-représenté. La loi a été votée en 2012, mais les résultats se font attendre.

Quotas – le mot qui dérange
Alors que tout le monde adhère à l’objectif de la parité, les discussions vont bon train quand on évoque des mesures concrètes pour l’atteindre. Il n’en a pas été autrement au cours des échanges entre les délégations des petits Etats d’Europe.

Un constat : l’égalité entre femmes et hommes n’est pas un acquis. Elle exige des efforts, des mesures concrètes et une volonté politique déterminée. L’argument utilisé suivant lequel ce serait une question de génération n’est pas pertinent puisque justement cela fait des générations que cet argument est cité sans que cela change vraiment la donne.

Un accord : l’instauration de quotas ne constitue pas un moyen vérifié pour atteindre la parité. Il est absolument nécessaire d’agir sur l’ensemble des domaines de la vie tant publique que professionnelle et familiale. Les stéréotypes de genre ont la vie dure. Il convient de les combattre tant avec des moyens législatifs que politiques.

Le quota, un outil : pour être efficace, cet outil doit poser des obligations claires et précises. Il doit être assorti de sanctions effectives. Cet outil doit être adapté à la situation institutionnelle du domaine qu’il concerne. La majorité des délégations milite pour l’instauration de seuils de représentation afin de briser les clubs de copains en place.

L’initiateur de la conférence de 2015, le Conseil National des Femmes du Luxembourg (CNFL) est un fervent défenseur des quotas tant en politique qu’en économie. Il conteste l’éternel argument selon lequel les « femmes quotas » seraient moins compétentes que les « hommes du cercle restreint ». Ce mythe est d’ailleurs clairement réfuté par des études sur la formation des hommes et des femmes parlementaires menées de par le monde. La conclusion de ces études démontre que les femmes élues grâce aux quotas sont tout aussi qualifiées, voire plus, que les hommes élus hors quotas. En Suède on a constaté que les quotas peuvent même avoir un impact positif sur les qualifications des élus masculins qui se sentent obligés de parfaire leurs qualifications pour améliorer leurs chances d’être élus.

Le réseau des petits Etats d’Europe a, une nouvelle fois, permis à ses membres de renforcer leurs liens et de profiter d’un échange motivant.

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